Quel rôle pour la bio dans la transition écologique ? Présentation des 4 scenarios sur lesquels repose le rapport Transitions2050 de l’ADEME paru en 2021.
Des scénarios volontairement contrastés
Scénario 2 : Coopération des territoires
Le premier scénario repose sur le principe du Land Sharing : « Penser les parcelles et les territoires comme des espaces multifonctionnels, combinant les fonctions nourricières et écologiques – c’est-à-dire une agriculture extensive maintenant une biodiversité satisfaisante à l’intérieur des parcelles agricoles » (ITAB – 11 décembre 2020 – Note suite à la publication de la base de données Agribalyse). La logique de préservation des espaces naturels induit aussi une meilleure gestion des forêts puits de carbone.
Avec 70% des terres françaises en agriculture biologique, le scénario donne la priorité politique aux produits agricoles et alimentaires bio, locaux.
L’agriculture met en place de nombreuses pratiques d’atténuation (baisse des consommations d’énergie fossiles, et des émissions de gaz à effet de serre) et d’adaptation au changement climatique telles que :
- Extensification et réduction des cheptels pour l’élevage
- Serres chauffées fortement réduites
- Accroissement des pratiques permettant le stockage carbone
- Diversification/ réorganisation des productions
- Forte réduction de la dépendance à l’irrigation
De plus, l’agriculture devient faiblement dépendante aux importations d’intrants du fait de la réorganisation des productions et de leur diversification. Les seules pratiques d’import-export servent à la transition vers la relocalisation des productions.
Enfin, la demande énergétique globale s’abaisse drastiquement. Afin de réduire la consommation énergétique d’origine fossile, la valorisation de la biomasse agricole est importante dans ce scénario. La méthanisation sans cultures dédiée est plébiscitée.
Scénario 2 : Coopération des territoires
Le second scénario repose sur la coopération des territoires pour favoriser la diversification, la reterritorialisation et la mobilisation raisonnée des ressources végétales et forestière ainsi que relocalisation des productions. Les circuits de proximités sont développés. Les terres agricoles françaises sont biologiques à 50%. Les pratiques permettant le stockage de carbone sont plébiscitées et l’irrigation est contenue en particulier en été, grâce à des pratiques culturales adaptées.
Les échanges internationaux sont fortement réduits, y compris dans le secteur agricole.
« Pour les usages énergétiques, la combustion et la méthanisation sont privilégiées ; la production de biocarburants s’est développée avec notamment l’émergence de biocarburants avancés valorisant des ressources lignocellulosiques ».
Les collectivités auront un rôle fondamental à jouer dans le fonctionnement de ce nouveau modèle agricole. Elles peuvent mener de nombreuses actions pour accompagner l’émergence et la consolidation de filières bio territorialisées :
- Activation du foncier agricole,
- Animation des discussions entre les acteurs des filières,
- Investissement dans la construction d’outils de transformation locaux
- Offre de débouchés en restauration collective pour les produits issus des filières bio territorialisées
Ces actions peuvent s’inscrire dans le cadre d’un Projet Alimentaire Territorial ou de toute autre politique agricole et/ou alimentaire ambitieuse.
Scénarios 3 & 4 : Technologies vertes & Parti réparateur
Les 3ème et 4ème scénarios sont basés sur une vision plus utilitaire des ressources naturelles. Ils ne mettent pas en valeur les collaborations entre les acteurs alimentaires et agricoles des territoires.
Le troisième scénario ADEME met en valeur les technologies pour répondre aux enjeux de neutralité carbone. L’intensification de l’agriculture avec un usage important des intrants de synthèse, est une voie choisie pour parvenir aux ambitions de baisses d’émissions de gaz à effet de serre et de production alimentaire et énergétique. Les surfaces agricoles augmentent et se spécialisent au profit de la production énergétique. Ce scénario mise sur la performance des filières pour réduire leur empreinte carbone. Le stockage de carbone s’accroit avec le développement de couverts végétaux.
Le quatrième scénario se base, pour lutter contre le changement climatique sur le surdéveloppement du marché assurantiel ; la surspécialisation et la compétitivité des filières. Le rythme d’artificialisation est maintenu par rapport à l’actuel, la tendance au retournement des prairies au profit des céréales se poursuit (déstockage de carbone). La méthanisation et la combustion représentent plus de 75% des filières de valorisation de la biomasse. L’agriculture urbaine se développe.
Dans les deux scénarios, les importations de produits bio continuent.
L’alimentation au cœur de la transition agri alimentaire :
Les deux premiers scénarios décrits par l’ADEME reposent sur une modification drastique des régimes alimentaires français, en accord avec les tendances de consommation actuelles.
La consommation de viande est divisée par 2 (Scénario2) ou 3 (Scénario 1) avec une recrudescence du flexitarisme et du végétarisme. La consommation de produits locaux est favorisée par rapport aux produits exotiques dans le Scénario 1. Celui-ci fait aussi état d’une consommation plus faible d’aliments transformés, de sucres d’alcool ou de boissons sucrées. Le second scénario base aussi ses changements alimentaires sur la réduction de 50% du gaspillage alimentaire.
Le troisième scénario est plus mesuré mais impliquent également une modification des régimes alimentaires. Le troisième scénario fait augmenter la proportion de légumineuses dans l’assiette des Français, et baisser la proportion de viande (-30%).
Le quatrième scénario ne fait que peu évoluer les régimes alimentaires français, et tend vers la consommation de protéines de synthèses, d’insectes.
Si l’agriculture est un secteur majeur pour lutter contre le changement climatique, elle doit également s’y adapter. Les deux premiers scénarios développés par l’ADEME sont proches des scénarios AFTERRES2050 et IDDRI. Une étude plus récente menée au sein du CNRS démontre que l’agriculture biologique peut nourrir l’Europe en 2050. Ces projections mettent toutes en valeur l’agriculture biologique et les pratiques agroécologiques pour à la fois adapter l’agriculture au changement climatique et sécuriser l’alimentation française et européenne.