Alors que la proposition de Loi Duplomb vient d’être adoptée, une pétition demandant son abrogation a déjà réuni en quelques jours près de deux millions de signatures. La FNAB appelle chaque collectivité à la relayer, chaque personne à la signer. Réautoriser un pesticide est rarement une bonne nouvelle pour l’eau, décryptage avec l’acétamipride.
Qu’est-ce que l’acétamipride, ce pesticide jusqu’à présent interdit en France ?
L’acétamipride est un insecticide de la famille des néonicotinoïdes. Il agit directement sur le système nerveux des organismes vivants. Cette molécule est très soluble et se retrouve rapidement et durablement[1] dans les zones humides, cours d’eau et même dans les précipitations. Le 31 mai 2025, des chercheurs japonais ont fait état des premières détections de pesticides néonicotinoïdes dans l’eau de pluie[2]. Avec, comme substance la plus fréquemment détectée, l’acétamipride.
Pourquoi la ré-autorisation de l’acétamipride est-elle problématique ?
En raison de son écotoxicité, cette molécule est interdite depuis 2018 en France. La proposition de loi visant à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », couramment appelée loi Duplomb et adoptée le 8 juillet, entend lever cette interdiction. Mais pourquoi ? L’un des principaux arguments avancés est celui de l’indépendance alimentaire française. En les privant de pesticides, les agricultrices et agriculteurs risquent de voir baisser leurs rendements. « Moins nous produirons en France, plus nous serons soumis à acheter des produits qui viennent d’ailleurs et qui ne correspondent pas du tout à nos normes » avance le Sénateur Duplomb qui a porté cette loi. Pour l’acétamipride, cet argument ne tient pas. La filière betterave a poussé fortement sa réautorisation. Or, seulement 51% du sucre de betterave produit en France est commercialisé en France[3]. Même avec des rendements en baisse, la population française pourrait consommer encore longtemps du sucre français. D’autant plus si la souveraineté alimentaire amène à limiter la transformation de betteraves en éthanol, qui correspond actuellement à 23% du débouché. Sans compter le fait que des « solutions alternatives efficaces et opérationnelles » à l’acétamipride existent déjà depuis des années, selon deux rapports de l’ANSES[4].
Pesticides et pollution de l’eau
Le débat sur l’acétamipride est symptomatique des nombreuses discussions qui se tiennent dans les instances de l’eau, du local au national. L’eau potable aujourd’hui en France est largement polluée. En 2023, 25% de la population française a été alimentée avec une eau dépassant les normes réglementaires en pesticides[5]. 74% des futurs captages sensibles sont pollués par des produits désormais interdits[6]. Car oui, les pesticides d’aujourd’hui sont les polluants persistants de demain. « Ce n’est pas parce qu’on ne peut pas prouver aujourd’hui une dangerosité absolue que le risque n’existe pas. Le doute doit nous conduire à éviter de reproduire les erreurs du passé», a souligné Christophe Lime, le Président du réseau France Eau Publique début juillet sur France Info[7].
Des collectivités montrent jour après jour qu’il est possible de développer d’autres pratiques agricoles sur les zones de captages. Une agriculture qui préserve l’eau et nourrit les populations en se passant de pesticides chimiques de synthèse, une utopie ? Les fermes biologiques françaises en font la démonstration depuis 40 ans, grâce au soutien de nombreux territoires tels que les Territoires Bio Pilotes.
Article écrit par Nathalie Sévaux, Chargée de mission Politiques Publiques de l’eau
Sources :
[3] La filière de la betterave sucrière, Cerfrance, 2024
[6] Présentation du Groupe National Captage du 23/05/2025
