Décryptage du Label Bas Carbone : rôle des collectivités et de la Bio

Développé en 2018, le Label Bas Carbone s’inscrit dans une dynamique d’accélération des mesures relatives à la stratégie nationale bas carbone. Les agriculteurs bio et les collectivités ont un rôle à jouer dans ce nouvel label favorisant la réduction des émissions de gaz à effet de serre, y compris dans le secteur agricole.

Qu’est-ce que le Label Bas Carbone ?

Le Label Bas Carbone a été créé pour permettre l’accélération des mesures de réductions d’émissions de Gaz à effet de serre de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC).
Les réductions des GES des projets labellisés seront inscrites dans l’inventaire des émissions GES de la France. Cette labellisation s’inscrit dans
le cadre de l’accord de Paris dont la trajectoire 2050 est de limiter le réchauffement global à +1,5°C.

Le Label permet également d’encadrer les démarches de réductions d’émissions de GES, en anticipant le futur cadre de certification européen stratégie Farm to Fork (entrée en vigueur 2023, définition du cadre 2022).

Beaucoup de secteurs sont éligibles au label bas carbone : industrie, bâtiments, agriculture etc.

L’agriculture est particulièrement visée par cette initiative du Ministère de la Transition Ecologique (MTE). Le label bas carbone s’articule d’ailleurs avec le France Relance puisque les appels à projets Bon diagnostics carbone et Plantons des haies sont utiles pour financer les prérequis à la mise en place de
projet labellisé bas carbone.

En aout dernier, le MTE a donné un coup d’accélérateur à la dynamique du label bas carbone en annonçant :

Le lancement d’une future plateforme Label Bas carbone qui présentera des projets labellisés ou en cours de labellisation, afin de regrouper les informations sur les porteurs de projets et financeurs au même endroit.

Le renforcement de l’exigence environnementale des méthodes approuvées, afin de s’inscrire dans une démarche progressive d’amélioration de la qualité des projets labellisés

La constitution d’un fond d’amorçage d’1MtCO2 évitées (soit environ 30 millions d’euros) pour mobiliser un maximum de financement d’ici la fin de l’année 2021 auprès d’entreprises volontaires.

Périmètre du Label bas carbone

La labellisation bas carbone repose sur une structuration par projets, sur 5 ans renouvelables avec de
nouvelles actions (même s’il y a changement de situation et qu’un financement additionnel voit le jour)

Le label bas carbone s’attache à donner un cadre méthodologique pour évaluer l’impact climatique d’un projet, en mobilisant un ensemble de leviers d’atténuation et de séquestration carbone, à mettre en place sur une ou plusieurs exploitations données.

 

Celui mobilise à la fois des financements du secteur privé, public, d’entreprises ou de particuliers, qui ont besoin d’avoir des garanties sur la réalité de réduction d’émissions sur le terrain.

Le label se dote d’une méthodologie de calcul différente pour chaque type de production agricole. Aujourd’hui 6 méthodes ont été labellisées par le MTE.

Le porteur de projet (un ou plusieurs agriculteurs, accompagnés ou non par une structure aidante) qui souhaitent lancer un projet de labellisation bas carbone doivent répondre à plusieurs critères d’éligibilité :

      • Le porteur de projet doit Démontrer le besoin d’un financement. Les projets peuvent être financés par des sources de financement diverses et complémentaires.
      • Additionnalité : le projet doit s’inscrire dans une démarche de progrès. Les nouvelles pratiques mises en œuvre dans le cadre du projet doivent aller au-delà de pratiques courantes et/ou déjà financée par d’autres programmes. 
      • Suivi d’un référentiel : méthode labelisée par le MTE : le projet doit s’appuyer sur une méthode de calcul mettant en relation la pratique mieux disante et son impact sur les émissions de gaz à effet de serre (GES).
      • Contrôle du projet : chaque projet doit s’engager sur une réduction chiffrée d’émissions de GES (grâce à la méthode choisie). C’est son objectif final. Pour vérifier cela, un auditeur indépendant contrôle le protocole du projet.
      • Permanence des économies et réduction des émissions de GES : Les émissions de GES évitées par des pratiques agricoles doivent s’inscrire dans le temps long.Enfin, le prix de la tonne de CO2 évitée/compensée est négocié de gré à gré. Pour certaines méthodes, un intermédiaire peut intervenir dans la négociation du prix de la T CO

 

La labellisation d’un projet ne garantit pas son financement. Les financeurs peuvent se manifester à tout stade d’avancement du projet. Les financeurs peuvent compenser leurs émissions et/ou participer à l’effort collectif et soutenir des projets d’atténuation. Une fois achetées les réductions d’émissions ne sont ni transférables, ni échangeables par les financeurs. Les noms des financeurs sont rendus publics lors de la labellisation du projet.

Le LBC : un outil pour la transition agricoles des territoires ?

Les collectivités peuvent s’impliquer de diverses manières dans la labélisation de projets bas carbone.

Elles peuvent porter le rôle de :

  • Co-financeur de projet bas carbone dans cadre de politiques climatiques (PCAET par exemple), en accompagnant financièrement des agriculteurs de son territoires.
  • Facilitateur/intermédiaire entre l’offre et la demande : identifier un ou plusieurs porteur.s de projet.s ainsi que les entreprises sur les territoires qui peuvent financer les projets
  • La Communauté d’agglomération de La Rochelle a mis en œuvre La coopérative carbone, Plateforme de mise en relation entre porteur de projets et financeurs potentiels. Elle permet le recensement et l’accompagnement des projets éligibles au label bas carbone.

 

Des agriculteurs bio stockent du carbone et collaborent avec les collectivités pour le climat!

La démarche bas carbone critiquée…

Le Rapport d’analyse de la méthode Carbon-Agri pour les élevages du Réseau Action Climat formule plusieurs critiques à l’égard de cette méthodologie de calcul et de labellisation des projets :

  1. La méthode carbon-agri encourage l’intensification des pratiques pour leur optimisation carbone et non le changement des pratiques.
  2. La méthode carbon-agri récompense plus (marge de manœuvre plus grande) ceux qui améliorent leurs pratiques et « partent de loin » que ceux qui sont déjà dans une démarche plus soutenable et qui en font plus (comme les bios par exemple).
  1. La labellisation est peu cadrée sur les indicateurs de résultats (tant écologiques que socio-économique) et leur contrôle au terme de chaque projet bas-carbone ainsi que sur le type de projet qui peut avoir recours aux crédits carbones.

De plus, l’éthique de la compensation carbone est remise en cause. Même si le label bas carbone n’est jamais attribué à une entreprise (mais bien au projet), la labellisation bas carbone d’un projet n’est pas contraignante pour les financeurs. Les entreprises polluantes peuvent donc poursuivre leurs activités et compenser leurs émissions de carbone via le label.

L’équation selon laquelle la séquestration de carbone dans les sols permet de réduire les émissions de CO2 atmosphérique, n’est pas exacte. Séquestrer du carbone ne permet pas de réduire ses émissions de carbone.

Enfin, l’Institut de l’Economie pour le Climat, qui a accompagné le développement du nouveau système de certification pour la France, indique que le label Bas Carbone n’est pas l’unique solution aux objectifs climatiques.

Le cadrage de financement des projets doit se poursuivre. Les projets bas carbones comportent des risques financiers pour les agriculteurs. Ils peuvent potentiellement conduire à des baisses des rendements par exemple. La coordination des sources de financement doit se renforcer pour stabiliser les labellisations et faire en sorte que les sources de financement ne s’excluent pas les unes des autres.

Et la Bio dans tout ça ? Quelle est sa place ?

Les agriculteurs bio s’intéressent à la labellisation bas carbone car celui-ci permet une rémunération complémentaire pour les agriculteurs. De plus la labellisation bas
carbone encourage une démarche de progrès face aux enjeux climatiques. Les agriculteurs bio ont, de tout temps, été attachés à mettre en œuvre des démarches favorables à une agriculture plus saine pour le climat et les autres compartiments environnementaux. Enfin, les projets collectifs et leur financement publics favorisent la coopération entre acteurs des territoires et agriculteur. C’est une valeur qui structure le réseau des agriculteurs Bio.

Cependant, la Bio peut être mise à l’écart par le label bas carbone.

En effet, les pratiques Bio, déjà vertueuses pour le climat ne sont pas reconnues en l’état dans les crédits carbone attribués au projet. Il faut pousser les curseurs. Les porteurs de projets partant de plus loin, seront plus récompensés.

« Un projet qui ne fait que respecter la règlementation ou correspond à des pratiques courantes ne peut être labellisé » (Guide pédagogique I4CE) :

Par ailleurs, la bio est une agriculture qui prend en compte l’ensemble du système agricole dans son écosystème. Le label bas carbone est
plutôt basé sur une optimisation de pratiques, pour répondre à l’enjeu carbone, en valorisant mal les co-bénéfices de certaines pratiques mises en œuvre en Bio (biodiversité, gestion qualitative de l’eau)*.

*Voir le rapport de l’Institut Technique de l’Agriculture Biologique sur les externalités positives de l’agriculture biologique.

Pour conclure, le développement du Label Bas Carbone dans les territoires ne peut se faire au détriment du développement de l’agriculture biologique. En effet, les impacts concrets des projets bas carbone sont incertains (étude INRAe en cours), car nous ne disposons pas du recul suffisant sur ce nouveau cadre. Les démarches pour adapter les territoires au changement climatique doivent être plurielles.

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