Communauté d’Agglomération Seine-Eure – Champ captant des hauts-prés
L’Agglomération Seine-Eure gère le champ captant des Hauts Prés localisé en zone agricole périurbaine qui assure l’approvisionnement de 40 000 habitants, et permet le développement d’activités industrielles dépendantes d’une eau de qualité (industrie pharmaceutique de pointe). Pour protéger cette ressource stratégique de bonne qualité, les élus ont fait le choix de se lancer dans une démarche préventive et pérenne via un projet de développement territorial de l’agriculture biologique.
Territoire
Agglomération Seine-Eure ● 60 communes ● 103 000 habitants
Agence de l’eau Seine-Normandie (AESN) ● Région Normandie (27)
Superficie du Périmètre de Protection Rapprochée (PPR) : 120 ha
Productions dominantes : grandes cultures ● maraîchage
Surface agricole utile (SAU) du PPR : 110 ha totalement en bio (pour 8 agriculteurs) soit 100% de la SAU en bio
Actions mises en œuvre
L’Agglomération Seine-Eure possède la compétence production et distribution de l’eau potable depuis sa création en 2001. Elle gère à ce titre le champ captant des Hauts Prés localisé en zone agricole périurbaine qui assure l’approvisionnement de40 000 habitants, et permet le développement d’activités industrielles dépendantes d’une eau de qualité (industrie pharmaceutique de pointe).
Pour protéger cette ressource stratégique de bonne qualité, les élus ont fait le choix de se lancer dans une démarche préventive et pérenne. Elle s’inscrit dans un projet global autour de la biodiversité et de la continuité écologique porté dans le cadre des politiques territoriales de développement durable de l’agglomération (Agenda 21, contrat d’agglomération, PLUi).
Soucieux de maintenir une activité agricole sur le secteur, les élus ont choisi d’accompagner la mutation des exploitations concernées vers le mode de production biologique pour protéger la qualité de l’eau et ont créé le pôle d’agriculture biologique des Hauts Prés sur une friche industrielle à proximité, acquise par la collectivité.
L’opération des Hauts Prés s’inscrit dans la volonté d’amélioration du cadre et de la qualité de vie sur le territoire de l’agglomération, dans une démarche qui associe environnement, développement économique et social, contribuant ainsi à renforcer l’attractivité territoriale, pour les acteurs économiques comme pour les habitants.
Action foncière et installation
8 agriculteurs (4 céréaliers, 4 maraîchers) sont installés en bio fruit d’une démarche initiée en 2008.
- Acquisition et remembrement du parcellaire agricole
L’agglomération a souhaité acquérir les terres du PPR afin de faciliter le projet de conversion à l’agriculture biologique. Les 110 ha de SAU du PPR, classés zone inondable par le plan de prévention des risques d’inondation et donc non-constructibles, ont été achetés entre 2009 et 2011 à l’Établissement Public Foncier de Normandie (EPF) qui possédait l’ensemble des terres, auparavant louées en conventions d’occupation précaires à sept agriculteurs céréaliers.
Entre 2009 et 2013, en concertation avec les agriculteurs concernés et suite à une étude de faisabilité réalisée par Bio en Normandie (BeN) les parcelles ont été réorganisées : 80 ha pour l’activité céréalière, 30 ha pour le maraîchage. L’Aggomération a réalisé des travaux d’aménagement des parcelles (création d’un réseau d’irrigation desservant les parcelles, pose de clôtures anti-lapins, barrières, etc.).
Des échanges parcellaires ont été réalisés afin de fournir des terres hors du PPR aux agriculteurs ne souhaitant pas passer à l’agriculture biologique et, inversement, ceux envisageant une conversion ont récupéré plus de terres à l’intérieur du PPR
Étude des potentialités en maraîchage biologique et appels à projets
Une étude des potentialités en maraîchage biologique a été réalisée par BeN afin d’identifier les terres les plus propices au maraîchage et les plus adaptées compte tenu de l’enjeu de préservation de la qualité de l’eau. Afin d’identifier des porteurs de projet en maraîchage biologique désireux de s’installer sur le site, trois appels à projets incluant une dimension « projet collectif », ont été lancés, à une année d’écart.
- Contractualisation pour sécuriser les agriculteurs et développer la bio
En remplacement des conventions d’occupation précaires, des Baux Ruraux Environnementaux (BRE) – intégrant la clause de respect du cahier des charges de l’agriculture biologique – ont été signés avec les quatre céréaliers volontaires pour la conversion et les maraîchers pour 9 ans.
Une convention Vigifoncier a été signée en 2013 avec la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) afin de favoriser l’acquisition des terres en milieux humides ou en bord de rivières et d’envisager éventuellement une extension des surfaces en agriculture biologique.
Accompagnement des changements de pratiques
BeN a accompagné les agriculteurs sur les Hauts Prés afin de sécuriser les installations et conversions, encourager les mutualisations et mettre en lien le site avec les autres producteurs bio de la région.
Les maraîchers en installation
- Accompagnement individuel : en raison des caractéristiques spécifiques d’une installation liée à un appel à projet et avec une dimension collective, appui à la finalisation de chaque projet et accompagnement technique renforcé
- Animation collective : co-organisation entre BeN et l’agglomération des réunions visant à élaborer le projet collectif afin qu’il soit en adéquation avec les projets des maraîchers ; appui à la rédaction des règlements (pôle, association des maraîchers…), accompagnement pour la mutualisation de la production (planification), transformation et commercialisation (appui à la création d’un poste de chargé de mission développement commercial (0,5 ETP) sur les circuits de commercialisation en collectif avec un appui financier de l’Agence de l’Eau) ; accompagnement à la gestion de la fertilisation en lien avec l’enjeu eau
Les céréaliers en conversion
- Accompagnement individuel : conseil technique pour les rotations, etc.,
- Animation collective : organisation de tours de plaines pour favoriser les échanges de pratiques entre agriculteurs. Une coopérative d’utilisation de matériel agricole (CUMA) a été constituée par les céréaliers pour l’acquisition en commun de matériel de désherbage mécanique. Cette CUMAsert de support pour créer localement un outil de démonstration, d’information et de sensibilisation de l’ensemble des agriculteurs du territoire aux techniques de désherbage mécanique et de l’agriculture biologique.
Structuration des débouchés
Conversion d’une friche industrielle en pôle régional d’Agriculture Biologique
Suite à l’installation des maraîchers, est apparue la nécessité de disposer de locaux de stockage des outils et de la production. Étant sur une zone non-constructible, la construction d’un bâtiment ad hoc n’était pas possible. Une opportunité foncière s’est présentée avec la mise en vente d’une friche industrielle jouxtant le PPR.
La surface du bâtiment (10 000 m2) a poussé la collectivité à lancer une étude de faisabilité qui a permis de mobiliser les acteurs de la filière bio régionale et de confirmer l’intérêt de ce bâtiment pour structurer la filière biologique normande.
Les élus ont alors décidé d’en faire l’acquisition pour mettre en place un pôle qui comprend aujourd’hui :
- L’association des maraichers Bio des Hauts Prés (Stockage et vente 1 100m²)
- Une conserverie artisanale portée par un maraicher (200m²)
- L’Association Bio en Normandie (185m² de bureaux)
- La Brasserie des 2 amants (Production de bières bio locales 600m²)
- Liaisons Bio (traiteur Bio 300m²)
- L’île aux Abeilles (Miellerie 180m²)
- Saveurs et Savoirs (cuisine pédagogique 60m²)
- Caliter (Animations pédagogiques sur l’apiculture)
- Veragrow (fabrication de lombricompost utilisable en AB, 400m²)
- Service Rivières et Milieux Naturels de l’Agglomération (900m²)
- Un bureau de l’Union régional des CPIE
Restauration collective et circuits de proximité
Outre la présence d’opérateurs des filières longues à proximité du territoire (coopérative de céréales biologiques Biocer, etc.), l’agglomération souhaite renforcer les débouchés pour les agriculteurs du territoire. Elle accompagne ses communes vers l’introduction de produits biologiques en restauration collective,: diagnostic des modes de gestion sur l’ensemble du territoire, sensibilisation des élus, accompagnement des maraîchers à l’élaboration d’une offre collective, mise en relation des gestionnaires et des producteurs.
Une régie de production de repas (la régie des 2 Airelles), une crèche inter-entreprises (100% de légumes biologiques) et un traiteur biologique s’approvisionnent également sur le site, et les maraîchers des Hauts Prés y font de la vente directe.
Marque de territoire
L’agglomération a créé une marque « les Hauts Prés® » en 2015. Cette marque a pour vocation de fédérer les acteurs participants au projet et ainsi leur permettre de valoriser le travail effectué autour de l’agriculture biologique. Cette marque est disponible pour les partenaires qui le souhaitent après signature d’une charte d’engagement. La charte permettra d’utiliser le logo créé par l’agglomération, qui pourra cohabiter avec le logo de chaque structure sur leurs documents de communication.
Les signes d’expression de la marque sont : AB, protection de l’eau, protection de l’environnement, la biodiversité, les bons produits locaux, la proximité et les circuits courts et le sens du collectif.
Actions non agricoles
Zéro phyto
La collectivité est signataire de la charte départementale d’entretien des espaces publics et est labélisée « zéro phyto » depuis 2017
Dans le même objectif, l’agglomération travaille avec le golf situé dans le Périmètre de Protection Éloigné (PPE), en partenariat avec l’AESN et une école d’ingénieurs, afin de développer des techniques alternatives d’entretien des greens.
La collectivité souhaite également sensibiliser les entreprises, les gestionnaires de voiries, les jardiniers amateurs, les jardineries et la SNCF (la ligne Paris – Le Havre traverse le PPR) à la non-utilisation de produits phytosanitaires.
Milieux naturels
Pour préserver les milieux naturels, une zone humide située dans le PPE et en amont hydraulique de la zone bio a été renaturée : rétablissement de la continuité écologique de la rivière Eure, restauration du boisement alluvial, …
Communication et sensibilisation
L’agglomération a souhaité associer à ce projet un volet pédagogique d’éducation à l’environnement et à l’alimentation, aux enjeux de l’agriculture biologique et de proximité :
- Création d’un catalogue des animations pédagogiques en partenariat avec des associations proposant des animations autour de l’alimentation (ateliers de cuisine…), l’apiculture, la biodiversité, le maraichage bio…
- Projet d’éducation à l’alimentation pour les publics démunis mis en œuvre dans le cadre du contrat local de santé (avec l’Agence Régionale de Santé) : sensibilisation à la nutrition en milieu scolaire et dans les foyers de jeunes travailleurs, ateliers cuisine.
- Réalisation d’ateliers cuisine par l’association Saveurs et Savoirs
- Organisation, en partenariat avec BeN, du Défi Familles à Alimentation Positive, depuis septembre 2015et depuis 4 ans. Le principe de ce programme est d’accompagner des foyers pour qu’ils augmentent leur consommation de produits bio tout en maîtrisant leur budget alimentaire. Les centres sociaux sont partie prenante de cette opération afin de pouvoir toucher des personnes qui connaissent mal les circuits de produits bio.
Plus globalement, lees Hauts Prés font l’objet de nombreuses opérations de communication auprès des élus (du local au national), agriculteurs et habitants : « Samedi au vert » (journées portes ouvertes chaque année mi-septembre), informations régulières via l’Agglo Mag, colloques thématiques en 2012 et 2017, présentation du projet au sein de plusieurs colloques….
Gouvernance
Monde agricole | Collectivités | Experts et organismes publics | Population et associations |
BeN (assistance au montage et à la mise en œuvre du projet) Agriculteurs (associés à toutes les étapes) Coopérative Biocer (sollicitée dans le cadre de l’étude de faisabilité pôle bio)Chambre d’Agriculture de l’Eure | Conseil Régional de Normandie Conseil Départemental de l’Eure | AESN Centre d’Économie Rurale (élaboration des baux ruraux) SAFER (diagnostic foncier et convention Vigifoncier) | Association Saveurs et Savoirs (sollicitée dans le cadre de l’étude de faisabilité pôle bio concernant le volet animations / pédagogie) Association Caliter (animation – pédagogie) ADRESS Normandie Conseil de Développement Durable de l’agglomération |
Portage en interne
- Portage en interne par un élu référent et le responsable du pôle Protection de la Ressource et Ruissellement
- Comité de pilotage annuel avec la participation de tous les acteurs du site (partenaires techniques et financiers)
- Si la direction du « cycle de l’eau » reste le principal maître d’œuvre de ce projet, d’autres directions sont impliquées de manière plus ponctuelle.
Gouvernance spécifique de l’opération
L’agglomération a établi des modalités de gouvernance du pôle afin d’organiser la coexistence et la coopération des différentes acteurs du site :
- Définition d’une politique générale, identité, valeurs, finalité et règles de fonctionnement du pôle.
- Coordination par le chargé de mission de l’agglomération.
- Mise en place d’un règlement ayant pour objectif de définir les engagements et les règles entre acteurs pour réussir et vivre ensemble au sein du pôle.
- Mise en place d’un comité opérationnel de suivi constitué d’un représentant de chaque activité du pôle. Ce comité sert principalement à l’organisation de la journée portes ouvertes « Samedi au Vert » et à régler les problèmes techniques du quotidien.
- Organisation d’1 comité de pilotage annuel
Partenaires financiers
L’Agence de l’eau Seine-Normandie, Conseil Régional de Normandie, Conseil Départemental de l’Eure.
Éléments financiers
- Acquisition des terres : 400.000 €, financés à 80% par l’AESN, le Conseil Départemental de l’Eure 20% d’avance par l’AESN (avance à taux 0 à 15 ans).
- Acquisition du bâtiment et viabilisation de la zone de maraîchage (irrigation, clôtures anti-lapins …) : 2,1 millions d’€ (dont bâtiment : 1,6 millions d’€) financés à 65% par l’AESN (expérimentation), le Conseil régional de Normandie et le Conseil Départemental de l’Eure,
- Prestations et expertises diverses (BeN Centre d’Économie Rurale, SAFER…) : environ 15 000 €/an financés à 70% par l’AESN sur 3 ans au début de l’opération ; financement à 80% du poste à mi-temps sur le développement commercial par l’Agence de l’eau (convention sur 3 ans, portage du poste parBeN).
- Animation interne à l’Agglomération Seine Eure
- Communication : 24 000 €, financés à 50% par l’AESN sur l’évènementiel.
Résultats
- 100% de la SAU du PPR en bio : installation de 4 exploitations maraîchères bio et conversion de 4 céréaliers
- Une qualité d’eau préservée voir améliorée
- Une biodiversité améliorée et un rétablissement de corridors écologiques
- Création d’emplois pérennes et non-délocalisables
- Création de lien social autour du lieu grâce à la vente directe qui attire plusieurs catégories de populations
- Un partenariat avec le golf qui travaille sur ses techniques d’entretien dans l’objectif zéro phyto
Facteurs de réussite
- Opportunité d’acquisition foncière liée au contexte de ville nouvelle
- Bonnes relations avec les agriculteurs en place, partenariat gagnant / gagnant
- Fort soutien et implication des acteurs de la filière biologique (BeN), des partenaires institutionnels et des services de l’Etat
- Démarche globale et cohérente sur le secteur : concertation avec l’ensemble des acteurs (agriculteurs, golf, services de l’Etat…)
- Compétences globales de l’agglomération facilitant la transversalité, notamment avec une Direction du « Cycle de l’eau » (protection de la ressource, réseau, assainissement, milieux naturels, rivières, etc.)
- Existence d’un chargé de mission travaillant sur le projet et coordonnant les actions
Difficultés rencontrées
- Collectivité novice dans le monde agricole
- Multiplicité des acteurs de la filière agricole
- Contraintes relatives aux périmètres de protection des forages et plan de prévention des risques d’inondation : impossibilité de construire un bâtiment (pour le stockage des matériels et productions, ou les activités de transformation)
- La transversalité indispensable au projet a nécessité la mise en place en interne d’un mode de suivi spécifique impliquant les élus et services dépendants de différentes compétences (eau potable, rivières et milieux naturels, Agenda 21, patrimoine, développement économique, tourisme, politique de la ville…)
Perspectives
- Développer l’offre d’animations pédagogiques déjà existante sur site et au sein des établissements scolaires.
- Étendre l’animation agricole autour de la production biologique et durable à l’ensemble du territoire de la CASE, mettre en place une politique globale de soutien à ces pratiques et au développement des filières courtes.
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- Elaborer une stratégie d’acquisition foncière visant le maintien du foncier agricole et l’installation de jeunes agriculteurs
- Faire passer la voie verte (axe Seine) locale dans l’enciente du site
- Arriver à 100% d’occupation de l’espace disponible dans la bâtiment (80% fin 2019) et développer l’offre de transformation pour structurer la filière bio en Région.
- Dupliquer le modèle des Hauts Prés sur d’autres secteurs à enjeux eau sur le territoire.
C’est à refaire
- Réflexion de la collectivité autour du foncier agricole
- Mise en place d’une cellule d’animation travaillant d’amont (production agricole) en aval (filières, débouchés), en vue de générer une dynamique de territoire autour du bio local
- Mobilisation des compétences existantes autour des différentes thématiques
- Mise en place d’actions de communication et de sensibilisation des consommateurs afin de générer une demande en produits bio locaux
Contacts
Pierre-Julien BAVENT ● Responsable du Pôle Protection de la Ressource et Ruissellement● Agglomération Seine Eure ● pierre-julien.bavent[at]seine-eure.com