La création de la SAS coopérative « La fABrique à sucres » a été formalisée en début d’année 2023. Elle prévoit la construction et le fonctionnement de la première micro-sucrerie 100% bio territoriale, durable et équitable en France
Pourquoi se différencier de la filière « classique » ?
Au démarrage du projet, en 2016, la filière de valorisation de la betterave bio était inexistante en région. Pour autant, cette production centralise plusieurs enjeux :
- Déverrouiller et faciliter les conversions 100% bio
- Diversifier les assolements
De plus, les transformateurs régionaux bio étaient déjà à la recherche d’un sucre bio local. Pour répondre aux enjeux d’une filière territorialisée, le postulat initial en région était alors :
- Le process des sucreries est surdimensionné (pas de possibilité de transformer de petits volumes), complexe et peu polyvalent
- Le modèle économique et logistique doit être réinventé
Depuis, la majorité des groupes sucriers se sont positionnés sur la filière de betteraves sucrières bio. Cependant, il semble cohérent de repenser le modèle économique de la filière pour construire un outil de transformation de taille intermédiaire, polyvalent, avec un process simplifié, peu énergivore permettant à long terme un maillage du territoire (création d’autres micro-sucreries ancrées localement) et une rémunération juste des producteurs.
Produire de la betterave sucrière bio en région, oui, mais à quel prix ?
- 6 producteurs ont testé la culture de la betterave
- Les rendements sont hétérogènes, entre 35T/ha et 80T/ha (ramené à 16°)
- La richesse des betteraves est comprise entre 17% et 19%
L’ensemble de ces éléments a permis de définir qu’en dessous de 100€/T, la betterave sucrière bio ne pouvait pas trouver de valorisation juste pour le producteur. Le prix de vente pour la filière est donc fixé à 116€T.
Un sucre innovant, complet, bio, local, et équitable
Dans un contexte de préoccupation croissante d’une juste rémunération des producteurs locaux, le sucre sera labellisé « commerce équitable ». Le prix d’achat des betteraves a été calculé en fonction du coût de production des producteurs. Il permettra la création d’emplois salariés locaux et assurera un revenu décent aux producteurs.
Une micro-sucrerie 100% bio inédite à gouvernance partagée
La première campagne de transformation de la micro-sucrerie est prévue pour septembre 2024. L’implantation est envisagée dans le triangle Arras, Cambrai, Lens en concertation avec les communautés de communes de la région pour échanger sur les possibles de foncier.
L’activité de la SAS coopérative sera l’achat des betteraves, la transformation et la commercialisation du sucre sous une marque propre.
Son dimensionnement permet la transformation de 400 hectares de betteraves permettant une production annuelle de 2160 tonnes de sucre intégral.
- Collège A, celui des producteurs de betteraves (51% des voix et du capital)
- Collège B, celui des utilisateurs de sucre
- Collège C, celui des partenaires, investisseurs, soutiens et civils.
Le collectif étudie également la possibilité de mieux valoriser la micro-sucrerie en ayant une activité tout au long de l’année en fonction des besoins du territoire et des producteurs locaux. Pour cela, différents scenarii sont à l’étude afin d’arriver à un outil le plus polyvalent possible.
Initiation de la gouvernance partagée : Accompagnement sur le choix des statuts
Pour réaliser le choix de la structure juridique et de la gouvernance adéquate, le cabinet de conseil spécialisé EXTRACITE a accompagné le collectif de producteurs de betterave, les représentants de BIO en Hauts-de-France ainsi que les partenaires du projet de sucrerie betteravière bio et équitable.
Il se dégage alors plusieurs points essentiels pour le projet :
- Nécessité d’assurer une gouvernance majoritairement construite autour des producteurs avec la possibilité pour des partenaires de participer à cette gouvernance en tant que réseau. Les commerçants et industriels ont la possibilité de soutenir et investir dans le projet mais en garantissant une ouverture totale. En effet, dans la volonté exprimée par les producteurs, il est souhaité une structure partagée et ouverte pour établir une filière en cohérence du champ à la vente. Un collège des partenaires commerciaux, ouvert et minoritaire est donc créé.
- S’orienter vers une structure coopérative type SAS Coopérative dit « coopérative de 47 » car le projet est d’orientation commerciale, assujetti aux impôts. L’objectif est d’avoir une structure multi-partenariale, ouverte à des acteurs économiques, agricoles et non-agricoles, permettant la gestion d’un bien commun à commercialiser : le sucre en poudre. Cette structure a vocation à être équilibrée dans la représentation de chacune des parties prenantes et leur droit de vote. Cette structure n’ayant pas vocation à être purement agricole (soit dans son objet social, soit dans les membres qui la constituent), elle ne peut s’orienter sur un statut de coopérative agricole classique. Le modèle de « coopérative de 47 » est plus souple et sur-mesure dans le montage juridique de gouvernance envisagé.
Ce statut a été préféré aux statuts existant dans le champ de l’ESS, notamment la SCIC, pour plusieurs raisons. La principale étant que l’enjeu de la fABrique à sucres portait plus sur la façon dont tous les maillons de la filière et en particulier les producteurs, pouvaient être associés à la gouvernance de l’outil pour garantir l’équitabilité, que sur le fait d’avoir des salariés associés.
- Il est important de dissocier l’aspect commercial et les enjeux de filières. Le projet de La fABrique à sucres se concentre uniquement sur son développement commercial et sur une offre de service dédié à la mise en relation entre l’offre et la demande de sucre, et la distribution / logistique de ce produit.
En complément, Bio en Hauts-de-France a en charge l’animation et l’organisation de la filière sucre.
Au-delà du statut juridique, le règlement intérieur de la fAbrique à Sucre s’est également révélé un outil important pour aller plus loin en matière d’exigences sociales et environnementales de l’outil comme par la limitation à 5ha de betteraves sucrières produites par les coopérateurs et la valorisation de l’emploi à travers une prime sociale.
La mise en place opérationnelle de la gouvernance
Dans la continuité de l’accompagnement d’EXTRACITE, de nombreux échanges ont eu lieu autour de la rédaction des statuts, des questions adossées et des aspects juridique.
Une fois établi et validé les statuts ont été signés lors d’une assemblée générale constitutive permettant l’émergence de la structure et l’élection du président de la SAS coopérative et du conseil d’administration.
La gouvernance au quotidien de la SAS coopérative est donc assurée par un conseil d’administration, composé de 5 producteurs du collège A et 4 partenaires du collège B. Celui-ci se réunit toutes les 2 semaines pour échanger.
Eva COUDRAY – 07 87 32 28 60 – e.coudray@bio-hdf.fr