Rapport « L’injuste prix de notre alimentation »

Le Réseau CIVAM, le Secours Catholique-Caritas France, Solidarité Paysans et la Fédération Française des Diabétiques ont publié le 17 septembre leur étude sur « l’injuste prix de notre alimentation ».

Le Réseau CIVAM, le Secours Catholique-Caritas France, Solidarité Paysans et la Fédération Française des Diabétiques ont publié le 17 septembre leur étude sur « L’injuste prix de notre alimentation ».

Ce document, fruit de longs mois de travail de ces quatre acteurs associatifs et du Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne (BASIC), vient éclairer les coûts que notre système alimentaire fait peser sur la société et la planète.

Comprendre la notion de coût de l’alimentation

Le rapport expose très clairement que le prix est une construction sociale. « Il est le reflet de la valeur accordée, par la société, à tout ce qui permet la fourniture d’un bien ou d’un service. Il est aussi le reflet de choix politiques, par le jeu de soutiens publics, des régulations, des taxes, des exonérations fiscales ou sociales. Nous en avons peu conscience, mais le prix de notre alimentation est ainsi l’expression, au fond, d’un contrat social, d’un choix de société. »

Ainsi, lorsqu’on achète un produit alimentaire, nous payons la matière agricole et nous rémunérons (mal) le travail des producteur-ices et des travailleur-ses de la transformation et de la distribution. Nous finançons également le marketing et la publicité que les marques déploient à grands coups de millions d’euros pour se positionner sur des segments de marché. Nous payons enfin des taxes. Tout cela est intégré dans le prix final.

Mais ce prix ne reflète pas le coût total de notre alimentation, c’est-à-dire le coût des externalités négatives que créent le modèle agroindustriel en amont de l’acte d’achat (pollution de l’eau, des sols et de l’air, pénibilité du travail, etc.) et celles qui interviennent après ce dernier : traitement des déchets, impact sur la santé de la malbouffe, etc.

Pour un certain nombre de ces impacts négatifs, il est possible d’y associer des dépenses publiques qui essayent de corriger ces effets néfastes. Pour d’autres, il est plus difficile, d’un point de vue soit méthodologique soit philosophique, d’y raccrocher un coût. En effet, quel est le coût monétaire de la perte – irrémédiable – de biodiversité engendrée par l’agriculture conventionnelle ou celui du sentiment de honte que ressentent les personnes qui doivent recourir à l’aide alimentaire ?

Le travail réalisé par les acteurs associatifs et le BASIC permet donc d’éclairer ce que coûte réellement à la collectivité le choix de société du modèle agricole productiviste, pertinent au sortir de la Seconde Guerre mondiale mais qui semble à bien des égards dépassé et dangereux en 2024.

Le contenu de l’étude

Les auteurs et autrices de l’étude ont calculé des dépenses publiques d’un montant de 19 milliards d’euros annuels pour compenser et réparer une partie des dégradations sociales, sanitaires et environnementales engendrées par le système agroalimentaire. Comme illustré ci-dessous, n’ont été retenues que les dépenses réelles.

Le cout des impacts négatifs du système alimentaire en France (2021)

Ces dépenses couvrent des dégâts de trois types :

  • Dégâts sanitaires : à hauteur de 11,7 milliards d’euros, a minima, pour les maladies liées à notre mauvaise alimentation (obésité et diabète en particulier) et de 0,6 Md supplémentaire pour les maladies professionnelles liées à l’usage des pesticides ;
  • Dégâts environnementaux : si ce montant est loin de compenser l’ensemble des dégradations, 3,4 Md€ sont aujourd’hui dépensés par la collectivité pour atténuer le changement climatique, gérer les déchets, la dépollution de l’eau et la prise en charge des maladies liées à la pollution de l’air (considérés au prorata de la responsabilité de notre système agricole et alimentaire) ;
  • Dégâts sociaux : du point de vue du coût des impacts sociaux, 3,4 milliards d’euros annuels sont également dépensés pour compenser la faiblesse des rémunérations dans le secteur agricole et tout au long de la chaîne.

Dans le même temps, les pouvoirs publics – et donc les contribuables – dépensent 48 autres milliards d’euros dans la filière agro-alimentaire. C’est le montant des soutiens publics en 2021 aux acteurs de ce système – par le biais de subventions, d’achats directs et d’exonérations fiscales ou sociales. Comme le rappelle le rapport, « ces soutiens ne sont pas neutres : en consolidant la rentabilité des acteurs économiques, ils aident à structurer le système alimentaire et à orienter son fonctionnement. Plus de 80 % des soutiens publics entretiennent un modèle à l’origine de l’essentiel de ces impacts. Plus de 80 % de ces soutiens bénéficient à des acteurs pris dans une logique de course aux volumes, qui va de pair avec la standardisation des matières premières agricoles et une pression sur les prix payés aux agriculteurs. »

Répartition des sources de soutien public au système alimentaire français

Mettre à contribution l’ensemble des maillons de la filière agro-alimentaire

Une des pistes que soulèvent cette étude est le besoin de conditionner certaines dépenses publiques au respect d’ambitions environnementales et sociales.

 

Lorsqu’on s’intéresse aux différentes sources de financement du système alimentaire, on constate qu’uniquement les fonds de la politique agricole commune (PAC), destinés au maillon de la production agricole, peuvent faire l’objet d’une conditionnalité environnementale. Or, de la même manière que l’on ne peut pas faire reposer l’ensemble de la transition alimentaire sur les consommateur-rices, les agriculteur-ices ne peuvent être les seul-es acteur-ices économiques de la transition agricole. Les associations posent donc la question de la conditionnalité de certaines dépenses publiques octroyées à l’aval agricole (transformation, distribution alimentaire et restauration commerciale), qui perçoit un tiers des montants publics du système alimentaire, au respect d’engagements sociaux et environnementaux.

Financements publics du système alimentaire en 2021, sources et bénéfices

Et la bio, dans tout cela ?

Le mode de production biologique, qui interdit l’utilisation d’intrants chimiques de synthèse, élimine une grande partie des externalités négatives de l’agriculture conventionnelle. Ce mode de production génère des rendements moindres, nécessite plus de main d’œuvre, suppose d’investir dans des équipements spécifiques, de se procurer des intrants autorisés en AB potentiellement plus chers qu’en conventionnel (semences, alimentation bio du troupeau…),. Par ailleurs, les volumes moindres à traiter tout au long de la chaîne ne permettent pas de réaliser les économies d’échelle qui font la force des systèmes industriels. Par conséquent, produire en agriculture biologique a un coût qui se justifie à plus d’un titre.

Les producteurs et productrices peuvent rogner sur leurs revenus mais les marges de manœuvre sont déjà maigres. Ce sont donc dans la plupart des cas les consommateurs par le prix payés, qui « internalisent » les coûts que l’agriculture fait peser sur l’environnement et la société.

L’équation semble donc claire : il importe que les dépenses qui servent aujourd’hui à réparer les dégâts causés par l’agriculture conventionnelle – sans jamais atteindre leur objectif puisque de nombreux impacts sont irréversibles – puissent demain prévenir ces impacts. Si les fonds publics étaient davantage dirigés vers le soutien à l’agriculture biologique, les dépenses liées à la prise en charge des maladies cardiovasculaires ou liées à la pollution de l’air, de même que les coûts de dépollution de l’eau et des sols pour n’en citer que quelques-uns, seraient immédiatement réduites. En ne dépensant pas un euro supplémentaire d’argent public mais en redéfinissant ce qu’est « le prix social » de l’alimentation, nous pourrions mieux nous nourrir et relâcher la pression qui pèse sur  les humains, les animaux et l’environnement.

Article écrit par Valentin Cèze, chargé de mission commercialisation bio (FNAB)

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