Territoires Bio Pilotes : la parole à Gilles Morisseau et Frédy Poirier de Grand Poitiers

Témoignage d’élus | Le Grand Poitiers agit pour la transition agroécologique et sur la structuration des filières alimentaires locales.

Présentez-vous, votre origine professionnelle, vos mandats au sein de la collectivité Grand Poitiers

Gilles Morisseau :

« Je suis maire de la commune de Biard depuis 2014 et Vice-président de Grand Poitiers en charge de l’Eau, de l’Assainissement et du Grand cycle de l’eau. Je travaille dans les domaines de l’informatique et de la communication et j’ai fait ma carrière au sein de la chambre de commerce. »

Fredy Poirier :

« Je suis maire de la commune de Cloué depuis 2008 et Vice-président de Grand Poitiers en charge de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Gemapi. Je suis enseignant en agronomie, j’ai travaillé dans le réseau des Cuma, notamment sur le sujet de la mécanisation partagée. »

Quels sont vos objectifs, vos ambitions en matière de transition agricole et alimentaire sur votre territoire ?

Fredy Poirier :

« Au sein de Grand Poitiers, nous agissons en faveur de la transition agricole et alimentaire au travers de différents axes de travail. D’une part, nous accompagnons le changement de pratiques des agriculteurs vers l’agroécologie, notamment via des financements accordés à des GIEE* dans le cadre de démarches collectives d’agriculteurs. Sur notre territoire, il y a un enjeu fort de préservation des prairies. En parallèle, nous travaillons sur la structuration des filières locales et sommes facilitateurs pour l’émergence d’outils de transformation sur le territoire. Ainsi, nous allons investir prochainement dans un outil de transformation pour la viande et travaillons également à la mise en place d’une légumerie. 

La restauration collective, et notamment la cuisine centrale de la ville de Poitiers qui prépare 7 500 repas par jour, constitue selon nous un débouché privilégié pour les produits qui seront issus de ces ateliers. Elle pourra absorber une partie des volumes et sécuriser ainsi le business modèle de ces outils. On sait bien que la restauration collective ne peut pas à elle seule révolutionner les pratiques agricoles du territoire, mais elle a un effet levier intéressant.

Nous sommes convaincus que le travail sur les filières est indissociable de celui qui vise le changement de pratiques des agriculteurs. Les agriculteurs ne modifieront pas leurs pratiques et ne se tourneront pas vers des cultures à bas niveau d’impacts (BNI) s’ils ne trouvent pas de débouchés rémunérateurs pour ces produits.

Un autre axe de travail vise à promouvoir l’installation en maraîchage bio. Pour cela, nous travaillons en lien étroit avec la SCIC Ceinture Verte Centre Vienne. 

Nous déployons d’autres actions qui font le lien avec la politique de l’eau. Tous ces sujets sont liés et c’est la raison pour laquelle Monsieur Morisseau et moi travaillons beaucoup ensemble. Par exemple, notre travail sur l’outil de transformation pour la viande vise in fine le maintien de l’élevage et des prairies. Or, les prairies ont un effet très bénéfique pour la préservation de la qualité de l’eau. »

Gilles Morisseau :

« Nous sommes producteur d’eau pour 13 communes sur les 40 que compte Grand Poitiers, les autres étant couvertes par le syndicat Eaux de Vienne. La régie d’eau de Grand Poitiers est historique, la volonté politique est forte de maintenir ce service en régie.

Nous sommes à 20 % en dessous de la moyenne concernant le prix de l’eau, mais c’est un territoire fortement agricole autour de Poitiers et la qualité de l’eau est un sujet, avec des enjeux concernant les teneurs en produits phytosanitaires et en nitrates.
La préservation des captages d’eau potable est un axe où l’on passe beaucoup d’énergie, notamment dans le dialogue qu’on peut avoir avec le monde agricole.

Nos actions de préservation sur les aires d’alimentation de captage (AAC) sont les suivantes :

  • On a 6 captages dont deux qui font l’objet d’un programme Re-Sources (programme régional de Nouvelle Aquitaine). Il y a notamment l’AAC de Fleury, d’une étendue de 26 km², où l’on touche une cinquantaine d’agriculteurs. Cette AAC est stratégique, elle est fragile et prioritaire, et alimente 40 % des habitants desservis eu eau par Grand Poitiers. Sur cette AAC, on en est au 3ᵉ programme Re-Sources et l’on contractualise avec l’Agence de l’eau et la Région. Le programme prévoit de l’expérimentation, de l’information et du suivi individuel pour faire évoluer les pratiques agricoles (couverts hivernaux, allongement des rotations, etc.).
  • La seconde aire est beaucoup plus large, on capte l’eau en surface dans le Clain qui passe à Poitiers : cela concerne plus de 2 000 km² et va jusqu’en Charente. Là, on a aussi des risques sur la qualité de l’eau et il nous faut proposer des solutions spécifiques. 

Un des leviers consiste à développer des filières bas niveau d’impacts. On travaille beaucoup sur le chanvre et le miscanthus.

Sur le chanvre : nous sommes passés en deux ans de 23 ha à une quarantaine d’hectare. On produit aussi bien de la graine que de la paille de chanvre. La graine est destinée à la filière alimentaire. Concernant la chènevotte (paille de chanvre), nous nous engageons afin de structurer cette filière vertueuse sur notre territoire en partenariat avec des industriels du bâtiment autour de technologies novatrices avec des débouchés importants et des demandes auxquelles on doit pouvoir répondre rapidement. Cette stratégie est prometteuse pour protéger l’eau, assurer des revenus satisfaisants aux agriculteurs et répondre aux attentes des industriels.

Sur le miscanthus, cela concerne plutôt la filière biomasse. L’enjeu est de produire de la biomasse pour alimenter des chaufferies sur les réseaux de chaleur en plein développement à Poitiers et d’autres communes de Grand Poitiers. La création de chaudières biomasse sur ces réseaux complète la stratégie énergétique de notre PCAET** et renforce la cohérence entre nos politiques. »

Comment se traduisent ces ambitions dans les documents de politiques publiques (délibérations, textes cadres, divers outils de planification) ?

Nos actions sont inscrites dans plusieurs documents cadre et en particulier le PAT, le PCAET et le programme Re-Sources.

Notre PAT rassemble trois EPCI : la Communauté de communes du Haut-Poitou, Grand Poitiers Communauté Urbaine et la Communauté de communes des Vallées du Clain. Cela représente 83 communes et 263 000 habitants.

Un comité de pilotage des 3 EPCI a validé des actions communes et des actions que les EPCI peuvent porter seules. Notre PAT est accessible ici.

Il est construit autour de 4 orientations stratégiques :

  1. Instaurer une véritable démocratie alimentaire sur le territoire.
  2. Engager le territoire dans la transition agroécologique et l’autonomie alimentaire pour préserver la ressource en eau, la biodiversité et la santé humaine
  3. Accompagner et soutenir les agriculteurs locaux
  4. Relocaliser des filières agroalimentaires équitables et durables

 

En ce moment, nous faisons le bilan des actions afin de les réajuster. On s’aperçoit notamment que le volet sur les filières est très important car si on veut embarquer tous les acteurs, il faut des co-bénéfices. De ce point de vue, la filière chanvre est exemplaire.

En plus du chanvre et miscanthus, nous travaillons aussi sur l’élevage et le maraîchage.  Sur toutes ces filières, il faut réussir à fédérer. L’engagement du monde agricole se fait sur du long terme. L’enjeu est de leur assurer un débouché pérenne, cela peut susciter une meilleure compréhension et une adhésion de leur part.


En tant que collectivité, afin d’accélérer cette transition, nous envisageons la mise en place d’aides à l’hectare, notamment sous forme de Paiements pour Services Environnementaux (PSE). Derrière ces PSE, il y a la notion de services rendus. Nous devons réussir à les ancrer sur notre territoire, nous y serons tous gagnants. Nous nous intéressons également aux PSE public-privé, car nous pensons que de grands groupes pourraient engager leur politique RSE sur la protection de l’eau et auraient envie de le faire savoir.

Décrivez 4 actions phare/emblématiques que vous portez en faveur du développement de l'agriculture biologique sur Grand Poitiers

  • Sur la filière chanvre, nous travaillons avec les agriculteurs bio et conventionnels. La graine de chanvre bio, à forte valeur nutritionnelle, est bien valorisée sur le marché.
  • En matière de restauration collective, un travail a été mené avec le CROUS et le CHU, avec une volonté d’agir plus en proximité et d’aller chercher des produits bio disponibles en local par le biais de la commande publique. Cette dernière action qui vise à améliorer les politiques d’achat des grands acheteurs du territoire est une belle avancée de ce mandat. Quand les grands acheteurs se coordonnent et travaillent ensemble, ça fait bouger les lignes.
  • En matière d’installation, nous avons lancé deux appels à manifestation d’intérêt. Nous avons des terres disponibles et les agriculteurs sous label et bio sont valorisés. Deux jeunes femmes paysannes-boulangères vont ainsi pouvoir être installées.
  • Enfin, dans le cadre des contrats Re-Sources, nous travaillons avec le réseau Bio Nouvelle Aquitaine pour organiser des journées techniques et des diagnostics individuels.

Qu'est-ce qui a motivé votre adhésion au réseau des Territoires Bio Pilotes ? Qu'est-ce que cela vous apporte ? Quelles sont vos attentes ?

Cela s’est fait spontanément, lors de rencontres. Les techniciens nous ont fait remonter cette opportunité. Cet engagement et cette ouverture reflètent la volonté de notre collectivité à expérimenter des chantiers nouveaux qui peuvent soutenir nos actions. Le travail en réseau est utile, on l’expérimente déjà dans le domaine de l’eau, avec des rencontres tous les ans aux Carrefours de l’Eau.

*Groupement d’intérêt économique et environnemental

**Plan climat-air-énergie territorial

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