Protection des captages d’eau potable et accompagnement des acteurs agricoles sur Cholet Agglomération

Depuis des années, Cholet Agglomération met en œuvre des actions en faveur de la reconquête de la qualité de l’eau potable de ses captages.

Christophe Puaud, Responsable de la Cellule Protection des Captages à Cholet Agglomération (Maine-et-Loire), nous expose les contours d’une politique publique basée sur la concertation et le dialogue.

Propos recueillis par Delphine Ducoeurjoly

Le contexte local

Cholet Agglomération a une longue histoire en matière de gestion de l’eau potable, s’efforçant depuis le XIXe siècle de garantir son autonomie en matière d’approvisionnement. La commune de Cholet, traversée par une petite rivière qui ne donnait pas assez d’eau, a toujours cherché à augmenter son volume d’eau disponible, initialement en acquérant des plans d’eau, puis grâce à des captages souterrains et à l’édification de deux barrages. L’objectif principal était de diversifier les sources d’approvisionnement tout en assurant une gestion durable de l’eau.

Aujourd’hui, Cholet Agglomération dispose d’un stock de 15,5 millions de m³ d’eau brute et traite 4,5 millions de m³ dans ses deux usines pour la distribution d’eau potable. Cependant, des défis demeurent, particulièrement en ce qui concerne la qualité de l’eau brute et la protection des captages. Cette gestion de l’eau est d’autant plus cruciale en raison des changements climatiques et des difficultés liées aux ressources disponibles.

L’agglomération gère deux captages Grenelle. Les aires d’alimentation de ces deux captages couvrent une superficie de 14 700 hectares, avec 10 800 hectares de surface agricole utile (SAU). La majorité des exploitations agricoles sont consacrées à l’élevage bovin, à la fois laitier et viande. Les paysages sont marqués par le bocage, et une grande partie des aires d’alimentation des captages (AAC) était, avant les grands remembrements et les drainages, constituée de zones humides.

Les circuits de commercialisation pour les productions agricoles se font principalement via des coopératives ou des opérateurs comme Charal et Bigard, mais il y a aussi un marché pour la viande bio, avec deux opérateurs dont Unebio, qui dispose d’un outil de transformation de viande bio sur l’aire d’alimentation de captage. La filière peut s’appuyer sur plusieurs abattoirs situés à Cholet, Bressuire, aux Herbiers et à Alençon.

Les enjeux de protection de la ressource en eau potable

Les questions d’approvisionnement en eau ont été résolues d’un point de vue quantitatif, en revanche le problème de sa qualité reste un défi majeur. Dans les eaux « brutes » destinées à la production d’eau potable, les niveaux trop importants de pesticides et de matières organiques liées au phénomène d’eutrophisation des lacs, témoignent d’une pollution principalement liée à l’activité agricole. Ce constat guide Cholet Agglomération dans la définition de ses actions.

Les actions phare : concertation et acquisition foncière

Les élus ont toujours souhaité améliorer la qualité de l’eau en misant sur le dialogue et la concertation. Au départ, les agriculteurs étaient très réticents car ils craignaient de se voir imposer des contraintes trop fortes sans contreparties. Les premières années, la collectivité a dû gérer de nombreux conflits, avec une profession agricole en forte opposition à l’égard du premier projet qui était initialement porté par l’Etat avant que ce dernier, se sentant démuni, demande à la collectivité de reprendre la main.

Si ces conflits ont pu se résoudre progressivement, c’est grâce à la mise en place, par la collectivité, de réunions de concertation qui ont permis de mieux comprendre les préoccupations des agriculteurs et de co-construire avec eux les plans d’action.

Les premières actions mises en place portaient uniquement sur les périmètres de protection des captages. S’ils ont effectivement permis d’engager une première phase de dialogue avec les agriculteurs, ils n’étaient pas suffisamment ambitieux pour garantir la qualité de l’eau sur le long terme, et ne concernaient que 250 hectares, ce qui est très peu rapporté aux 14 700 ha des aires d’alimentation de captage (AAC).  La collectivité a donc été amenée à compléter sa stratégie.

D’une part, les plans d’actions ont été élargis à l’ensemble des aires d’alimentation de captage, afin d’amplifier l’impact des actions engagées. D’autre part, la collectivité a fait le choix de racheter des terrains agricoles sur les zones les plus sensibles, à l’amiable ou via des DUP (Déclaration d’Utilité Publique). Ces terrains ont ensuite été reloués à des agriculteurs à un tarif attractif, sous condition de respecter les bonnes pratiques agricoles, par le biais notamment de baux ruraux à clauses environnementales, spécifiques aux captages. Ce modèle a permis de concilier les impératifs environnementaux et les réalités économiques des exploitations agricoles.

Accompagnement des agriculteurs bio, MAEC et travail sur les filières

Pour encourager les agriculteurs à adopter des pratiques moins intensives, la collectivité a soutenu des initiatives de conversion vers l’agriculture biologique via des appuis spécifiques et des programmes d’animation. En parallèle, des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) ont été mises en place pour favoriser les systèmes herbagers et bio. Ces initiatives ont favorisé le changement de pratiques agricoles, avec des résultats notables : la part des surfaces en herbe est passée de 45% à plus de 60% sur le territoire des deux AAC. Parallèlement, la bio a progressé pour atteindre aujourd’hui 25% sur les aires d’alimentation de captage. Pour plusieurs agriculteurs, les MAEC ont été un tremplin vers la bio. 

Le développement de l’agriculture biologique a également été facilitée par des projets de structuration de filières locales, grâce notamment à l’implication de la Laiterie Gaborit, un opérateur clé du secteur bio local. La laiterie La Lémance, située à proximité des AAC, a également contribué à convertir des fermes en bio. Ce tissu économique favorable a permis d’accroître la production et la vente de produits bio, contribuant ainsi à la dynamique de transition agroécologique sur le territoire.

Une association d’agriculteurs, « Bio Ribou Verdon », a été créée suite à un comité technique, avec la volonté d’améliorer la mise en marché des produits bio du territoire. Au démarrage de la démarche, Cholet Agglomération a fait appel au GABB Anjou comme prestataire pour aider le groupe à se structurer. Cholet Agglomération a financé tout le temps d’animation nécessaire à la création de l’association et de la marque Bio Ribou-Verdon qui en découle. Aujourd’hui, l’association Bio Ribou Verdon fonctionne sans aide financière de la collectivité et a lancé plusieurs chantiers : le développement d’une filière blé-farine-pain, d’une filière légumes secs, et d’autres projets.

La collectivité s’est aussi fortement impliquée dans la recherche de débouchés, en facilitant notamment l’introduction des produits bio locaux en restauration collective et de façon générale, en créant du lien entre les acteurs des filières et leurs partenaires.

Depuis 2022, Cholet Agglomération missionne son prestataire le GABB Anjou, pour favoriser les reprises d’exploitations par des porteurs de projets en agriculture biologique, de manière à éviter les déconversions des parcelles déjà engagées et si possible permettre l’installation de nouveaux agriculteurs bio sur les AAC.

Les facteurs clés du succès

Le succès du projet repose sur l’approche collaborative et sur l’implication de tous les acteurs locaux : agriculteurs, élus, chambres d’agriculture, associations locales et opérateurs économiques. Le rôle des élus a été décisif pour porter ce projet, avec une vision claire et des objectifs partagés, et sans craindre les conflits.

Par ailleurs, les comités techniques et le comité de pilotage mis en place, ont été des espaces essentiels de dialogue, où agriculteurs et autres parties prenantes ont été associés à la prise de décisions. Ces lieux d’échange ont aussi permis d’identifier les freins au changement et de mettre en place des solutions adaptées aux réalités locales. Il y a de bonnes habitudes de travail collectif sur le territoire, c’est une force pour déployer les projets.

Enfin, il ne faut pas hésiter à parler d’économie avec les agriculteurs. Ces derniers sont soumis à des contraintes fortes pour pérenniser leur système agricole. Et ces contraintes doivent être entendues et comprises par le gestionnaire d’eau potable. De la même manière, la dépollution de l’eau représente un coût très important pour le gestionnaire et les usagers de l’eau potable. Il est donc indispensable de faire de la pédagogie pour informer sur le « vrai » prix de l’eau. Proposer une analyse et un décryptage de la facture d’eau s’avère très parlant pour tout le monde.

Conclusion et perspectives

La démarche entreprise par Cholet Agglomération pour son eau potable montre qu’il est possible de concilier développement économique, protection de l’eau et transition agroécologique, à condition de travailler collectivement. L’implication des agriculteurs, leur accompagnement vers des pratiques agricoles durables et la mise en place d’une gestion concertée des ressources en eau ont permis de relever les défis posés par la gestion de l’eau potable dans un contexte de changement climatique.

En 2021, l’agglomération a reçu le prix de l’Office Français de la Biodiversité pour sa politique de protection des captages. Une reconnaissance méritée, à la hauteur des efforts entrepris depuis de longues années et des résultats obtenus. Cholet Agglomération est membre du réseau des territoires bio pilotes de la FNAB.

Le territoire de Cholet Agglomération en quelques chiffres

  • Situé dans le Maine et Loire
  • 26 communes
  • 106 039 habitants
  • 134 hab/km²
  • Surface des deux AAC : 14700 ha
  • SAU : 10800 ha
  • 178 exploitations agricoles
  • Secteur d’élevage bovin (viande & lait)
  • Secteur traditionnellement de bocage
  • Assolement :
    • 62% de prairies (33% de prairies temporaires, 29% de prairies naturelles)
    • 23% de céréales à paille
    • 11% de maïs fourrage
    • 4% autres

Vidéo de présentation de la démarche réalisée par l’OFB

Contact

Christophe PUAUD 

Cholet Agglomération

Responsable de la Cellule Protection des Captages |

Service Eau potable et Espaces Naturels 

Direction de l’Environnement 

02 44 09 25 73 | 07 72 40 36 95

cpuaud@choletagglomeration.fr

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